Présentation de Bindu Visarga :
Le siège du nectar.
En sanskrit Bindu signifie goutte de semence, Bindu Visarga exprime littéralement la chute de la goute. Bindu est la source de la création, toutes les manifestations de ce monde, toutes les choses, proviennent de Bindu et y retournent. Bindu en tant que point focale de la création, se divise pour procréer et ainsi donner naissance au multiple. Tout prend forme en son sein pour évoluer dans l’univers sous formes de myriades d’objets différents.
De Bindu émanent l’éther, l’air, le feu, l’eau et la terre ainsi que le son et toutes les lettres de l’alphabet.
Pour le Yoga Bindu est la matrice de la création et la première manifestation de la création est nada : le son. Ainsi Bindu est la base du verbe et de sa signification, il engendre le mot et sa définition autant dans leur intrication que dans leur abréviation ou dissonance.
Ce centre est donc le point par ou les sons internes et psychiques sont perçus, lors de certains exercices du Kundalini et du Kriya Yoga.
Le tantra représente Bindu par un croissant de lune et une goutte blanche de nectar nommée Amrit.
Les textes tantriques et le Hatha Yoga expliquent que le nectar, l’Amrit, est une sécrétion de la lune qui génère un état d’exaltation et que le soleil consume. Cela veut dire que la goutte de nectar tombe de Bindu directement dans le feu de Manipur ou elle est consumée. A cause de la destruction du nectar nous souffrons de vieillesse, de dégénérescence et de la mort.
Bindu est très peu décrit et les traités de Tantra et Yoga en parlent comme d’un centre se situant au delà de toutes expériences conventionnelles.
Ce qui est certain, c’est que Bindu en tant que source de toutes créations, est le réservoir de tous les karmas individuels provenant des vies antérieurs. Ces karmas se manifestent sous formes de vasanas, les désirs et restent mémorisés en Bindu.
Position et fonctions organiques :
Bindu est placé à l’arrière de la tête là ou les brahmanes hindous conservent une touffe de cheveux appelée shikha en sankrit « la flamme de feu ». Cette appellation symbolise la puissance des vasanas et karmas latents provenant des vies précédentes.
Bindu dépend du plexus nerveux laryngé associé à Vishuddi chakra. Il est relié à ce plexus par un réseau de nerfs qui parcourent la cavité nasale. Ces nerfs passent par le palais ou se trouve Lalana chakra, le chakra qui collecte le nectar que produit Bindu. Quand l’éveil se produit à Vishuddi, il active simultanément Bindu et Lalana.
Les sens olfactif, tactile, de la vision, de l’ouïe et du goût résultent de Bindu et s’expriment par ce centre minuscule.
Physiologie Tantrique de Bindu chakra :
Dans le cerveau, sur toute la longueur du tronc cérébrale sont plantés les douze paires de nerfs crâniens émergeant du noyau de la moelle allongée. Le Yoga décrit ces nerfs prenant leurs racines dans le centre minuscule de Bindu situé juste derrière ce noyau.
Dans la structure psychophysiologique, un petit point est assimilé à Bindu Visarga, il est décrit comme un petit puits contenant une sécrétion infime dans la quelle apparaît une minuscule pointe, semblable à une île qui perce l’eau au milieu d’un lac. Certes, c’est une description poétique de Bindu, mais elle nous permet tout de même de mieux l’appréhender.
Ce centre n’existe pas encore pour la science médicale et apparemment aucune recherche n’a fait l’objet d’une telle découverte, comme par exemple pour la glande pinéale ;
Ces recherches ont prouvé que la pinéale correspond à Ajna chakra, conformément aux textes des Shastras tantriques. Au moment de la mort, des sécrétions répandent des fluides neurales et glandulaires dans les tissus du cerveau qui le détruisent en partie.
Il est donc très probable qu’une glande aussi infime que Bindu subisse tant de dommage après la mort, qu’elle soit quasiment anéantie voir détruite.
Koshas ou enveloppes du corps : Bindu appartient au corps causal, à anandamaya kosha, c’est le corps de félicité.
Tattwa ou élément : Correspond à akasha : l’éther.
Guna ou qualité de la nature:
Bindu en tant que source du nada engendre le Om. La structure du son Om représente l’ensemble des chakras et les trois gunas : tamas, raja et sattva. Les chakras appartiennent au royaume de la nature, la Prakriti et de ses trois qualités ou humeurs les gunas.
Le symbole du mantra Om est surmonté d’un croissant de lune nommé Bindu et Bindu Visarga est matérialisé par le petit point au dessus du croissant de lune. Bindu est donc séparé du symbole Om. Il se situe au-delà des entraves de la nature et transcende de ce fait les trois gunas.
Loka ou plan d’existence, dimension de conscience : Ce centre appartient au 7ème et le plus élevé des lokas nommé Satyam, le plan de la vérité.
Symboles :
Bindu symbolise le cosmos et il est représenté par un croissant de lune luminescent qui diffuse son halo de lumière diaphane sur fond de ciel noir. L’obscurité derrière la lumière symbolise l’immensité du cosmos ainsi que la profondeur et l’infinité de Sahasrara, qui se perçoit seulement dans la méditation quand la notion d’égo a disparu.
Pour le tantra cette description d’un croissant de lune dans une nuit claire signifie que ce centre est assimilé à la lune et qu’il est en relation étroite avec ses cycles (kalas) et ceux du cosmos. Tout comme le sont les variations du système endocrinien, des émotions et du mental des êtres humains. Le Hatha Yoga Pradipika (traité sur les techniques de yoga) explique que Bindu secrète un nectar enivrant et que les yogis peuvent vivre de cet élixir, nommé Amrit en Yoga. Par des techniques spécifiques, le Yogi déclenche et contrôle ces sécrétions qui se diffusent dans le corps et ainsi, il conserve longtemps sa vitalité sans nourriture.Des études scientifiques menées à l’ashram de la Bihar School of Yoga sur des yogis pendant leur longue méditation, ont démontré la véracité de ce phénomène. La méthode se déroule toujours selon le même principe avec la pratique assidue du pranayama, maitrise du souffle, la maîtrise de Kumbaka, la rétention du souffle et à ce stade la perfection de Kéchari Mudra “l’attitude du grand sceau”.
Ici Kéchari se pratique non pas comme au cours, sous la forme simple du Kundalini Yoga, mais sous la forme plus complexe du Hatha Yoga. Cette pratique consiste à couper totalement et très progressivement le frein situé sous la langue sur une période de deux ans. Après cette opération la langue pourra se replier et s’allonger pour s’insérer le plus loin possible dans le rhino-pharynx. La langue ensuite peut boucher le passage à l’arrière du palais, pour récolter les gouttes de nectar provenant de Bindu et ainsi les envoyer directement dans la gorge à Vishuddi. Par cette pratique les gouttes ne chutent plus dans le feu de Manipur ou elles sont détruites et le nectar est goutté par Vishuddi. De Vishuddi le nectar se diffuse dans le corps et nourrit tout l’organisme. Il ralentie toutes ses fonctions tout en préservant les tissus et organes intactes. L’oxygène n’est donc plus nécessaire au maintient des cellules et l’oxydation s’arrête en même temps que toutes les fonctions physiologiques de l’organisme. Hormis le nectar, Bindu est aussi responsable de la sécrétion du poison. Bindu contrôle les glandes responsables des sécrétions du nectar et du poison tandis que Vishuddhi maitrise le nectar et le poison. Quand Bindu et Vishudddhi s’activent en même temps, seul le coule nectar. Le Yogi au corps purifié par les pratiques du Raja yoga, du Hatha Yoga et la méditation, n’est pas exposé au poison et n’absorbe que le nectar parce que les glandes se mobilisent uniquement à la fabrication et sécrétion du nectar.
Le bija mantra correspondant à Bindu c’est à dire son mantra germe ou son germe est Om.
Psychologie de Bindu:
En Yoga, Bindu engendre la création il en est l’origine. La racine sanskrite “bind” signifie diviser. On peut l’interpréter comme un point unique sans dimension qui se fend, ou se fragmente, afin d’engendrer dans le monde toutes les formes et sortes d’existences. En Bindu demeurent toutes les oppositions comme la plénitude et le vide, le chaux le froid, le masculin et le féminin, le bien et mal, l’infini et le zéro, le début et la fin, la vie et la mort…..Ce centre est à l’origine du schéma de la création et du processus d’évolution des multiples phénomènes de ce monde. Il précède et transcende tous les objets et leur forme, ainsi que la vie à l’état de germe, il en est le substrat. De ce centre émergent toutes les formes d’existences individuelles et leurs variations. Nous connaissons la théorie de Darwin qui attribue les changements d’apparence et les diverses manifestations de l’individualité en fonction des périodes d’évolution du monde. Dans cette théorie la notion de transformation par le temps est déterminante.
Pour le yoga, c’est différent, le processus d’évolution de la conscience dans l’individu ne tient pas compte d’un déroulement chronologique, car dans Bindu le temps est absent, seul demeure l’espace. Il est écrit dans les textes sanskrit traduit par Sawmi Satyananda Sarasvati que Bindu à ses origines dans la conscience illimitée. Bindu mène à un niveau de conscience pure car il est la porte d’accès à shoonya, l’état de vide absolu ou il n’y a plus de notion de temps. Pourtant kalas, les cycles lunaires qui gouvernent Bindu marquent bien le temps. Ils suscitent le temps de gestation de toutes les formes de ce monde. Tous ces objets émergent d’ un Bindu qui réside dans hiranyagarbha, l’œuf d’or ou la matrice universelle. Cette matrice contient l’essence des choses encore inexistantes et dont les formes sont déterminées par le Bindu.
Pour un être humain, Bindu est le moyen qui permet l’expression de la conscience. Il instruit également le potentiel de conscience avec ses limitations selon les individus et autres objets de ce monde. L’être humain possède les outils qui font de lui un être doué de conscience et dont les manifestations sont reliées à Bindu.
Tous les objets et manifestations conscientes ou non, ont leur source en Bindu. Il leur donne accès à l’existence matérielle et c’est par lui que tout retourne à la source. Bindu est une porte d’accès à double sens. Ce centre amène par un processus d’évolution et d’involution à la source de son être qui aboutit à la connaissance du Soi et a la totalité de Sahasrara.
Éveil de Bindu:
Ce petit point infinitésimal détient une puissance énorme. Il est comparé à un point de matière dense qui explose, comme dans la théorie sur l’origine de l’univers, le fameux “big bang” qui engendre le cosmos. L’essence de Bindu fait parti des molécules d’ADN contenant notre programme génétique.
Ce point est considéré en yoga comme la pure énergie la Shakti. Cette Shakti principe féminin, est le substrat de l’expression de la conscience statique nommée Shiva, le principe masculin. Le but du yoga est de déclencher l’union et la fusion de Shiva la conscience universelle en gestation et Shakti la puissance individuelle manifestée.
La Yogachudamani Upanishad dit qu’il existe deux sortes de bindu. Le bindu Blanc est shukla, le sperm et le bindu rouge qui est maharaj, les menstrues. Le Bindu blanc siégeant dans Bindu visarga en tant que goutte de semence de l’homme symbolise la conscience de Shiva. Cette conscience doit s’unir à la matière le Bindu rouge résidant dans muladhara chakra, symbolisant les menstruations de la femme. Leur union est le fondement de la vie qui engendre la manifestation de la conscience.
Ce texte mentionne également que le bindu rouge est établit dans le soleil qui représente pingala nadi et que le bindu blanc dans la lune représente Ida nadi.
Par exemple, par la technique de nadisodhana pranayama (la respiration alternée) le yogi déclenche l’équilibre des nadis et accède ainsi à la disparition des notions de dualité et des principes féminin et masculin.
Grâce au contrôle du prana ces deux énergies opposés s’unissent ce qui provoque l’ouverture du passage de sushumna nadi. Cette ouverture de sushumna nadi libère la kundalini Shakti stockée à muladhar, qui peut alors entamer dans ce passage son ascension vers ajna chakra. C’est ainsi que le bindu rouge, la Shakti à muladhara, se confond au Bindu blanc Shiva à ajna, ou ils fusionnent. Le tantra vise l’union de Shiva la conscience et de shakti l’énergie, pour que la force de création génère la manifestation de la conscience.
Seulement, même pour un yogi cette union est difficile à déclencher.
Tous les différents systèmes de yoga stimulent le prana pour déclencher cette union, mais le contrôle du pranayama est le plus éfficace. Les autres techniques sont moins puissantes. Mais le but visé reste toujours le même: la rencontre des pôles opposés Shiva et Shakti qui mènent à la supra conscience. Seul le yogi qui réussit à réaliser l’unité essentielle des deux bindus connaît le yoga (l’union).